Stefan Lux s'est suicidé le 3 juillet 1936 à Genève en pleine session de la Société des Nations pour alerter le monde sur les périls de l'antisémitisme nazi. Quels hommages lui ont été rendus par Genève ?

Stefan Lux s'est suicidé le 3 juillet 1936 à Genève en pleine session de la Société des Nations pour alerter le monde sur les périls de l'antisémitisme nazi. Quels hommages lui ont été rendus par Genève ?


Réponse

Bonjour,

Nous vous remercions d'avoir fait appel au service Interroge, voici le résultat de nos recherches :

Dans le second volume de son Histoire de la communauté juive de Carouge et de Genève, Jean Plançon consacre son chapitre XII à Stefan Lux : éclaireur de conscience, texte bien documenté et annoté.

L'Association Patrimoine juif genevois donne, dans sa fiche sur Stefan Lux, les informations les plus détaillées sur son suicide et le contexte de celui-ci :

« Le 3 juillet 1936, le journaliste tchèque d’origine hongroise István (Stefan) LUX se donnait la mort à Genève, en pleine session de la S.d.N., pour alerter le monde des dangers du régime Nazi. [...]

Le matin du vendredi 3 juillet 1936, à la salle du Conseil Général, les délégués sont réunis pour la seizième session de la Société des Nations (S.d.N.). On y discute principalement de la réforme du Pacte.

À dix heures et demie, alors que le délégué espagnol Augusto Barcia vient de terminer son discours et que l’interprète commence sa traduction anglaise, un coup de feu retentit. L’écrivain tchèque Stefan Lux esquisse vers le président (Paul Van Zeeland) un geste, lâche un revolver et s’écroule après avoir réussi à articuler quelques mots. Van Zeeland interrompt immédiatement la séance et demande s’il y a un médecin dans la salle. Le délégué canadien Roy accourt auprès du blessé. Le personnel de la salle transporte le blessé dans une autre salle, réservée au Secrétariat, tandis que le chef de la police Corboz arrive à la tête d’un bataillon de gendarmes. Et le président rouvre la séance après avoir donné la seule information dont il dispose : le drame n’est pas lié au débat en cours.

Le docteur Weber-Bauler, médecin de la Société des Nations, examine Lux et ordonne son transfert immédiat à l’hôpital. Une ambulance l’y emmène, accompagné de son compatriote László Benes, il recueillera les dernières confidences de Lux. Le grand rabbin de Genève, Salomon Poliakof, arrive sur la demande de Lux. Et, après avoir décliné son identité hébraïque – Schmuel Mosche ben Abraham – il demande à être enterré parmi les Juifs. Le docteur Jentzer tente l’impossible mais Stefan Lux succombe le soir même à neuf heures.

En quelques heures le monde, jusqu’en Amérique, a appris le geste de celui qu’un journal appelle « le héros de Genève » et entendu son message.

[...]

Un mois plus tard, tandis que naissait le Congrès juif mondial dans la salle même où s’était suicidé Lux, Nahum Goldmann déclarait : "On édifiera un jour, en Allemagne, des monuments à la mémoire de Stefan Lux".

En rendant hommage à sa cause mais en condamnant son geste, l’écrivain et journaliste suisse Léon Savary, concluait : "Les hommes capables de lutter pour la justice ne doivent pas se tuer, ils doivent rester à leur poste". »

Radio Pargue a diffusé, le 22 juillet 2011, l'émission 75 ans depuis le sacrifice méconnu de Stefan Lux. On peut lire dans la transcription de l'émission ceci :

Le « [...] quotidien Lidové noviny a rappelé l’histoire d’un homme qui avait protesté en 1936, en se suicidant, contre la discrimination des Juifs en Allemagne et qui demeure presque complètement inconnu même dans son pays d’origine. [...]
Malheureusement, comme l’écrit le quotidien Lidové noviny, le geste de Lux n’a pas connu en Grande-Bretagne de retentissement particulier, en dépit du fait que la nouvelle sur ce suicide ait été publiée non seulement dans les quotidiens européens, mais aussi dans les journaux américains. "Son message, adressé au roi, à deux journaux et au chef de la diplomatie britannique, n’a pas été suffisamment diffusé par des médias influents", explique le journal. [...]

L’homme qui tenait tellement à la vie est mort dans un hôpital de Genève, dix heures après son acte. Trois jours plus tard, il a été enterré, en présence de sa femme et de son fils, au cimetière juif de Veyrier. ». Wikimedia fournit une image de sa pierre tombale.

Radio Prague revient sur le contexte et surtout le peu d'impact du suicide de Stefan Lux à travers le monde :

« Le quotidien Lidové noviny s’interroge sur les réactions que l’acte de Stefan Lux a à l’époque provoquées. Il écrit : "Il est étonnant que cet événement n’ait trouvé presque aucun écho dans la correspondance diplomatique de l’époque. Dans les documents adressés par les représentants tchécoslovaques de Genève et de Berne à Prague, on n’en trouve presque aucune mention. La même chose pour ce qui est des dépêches de diplomates britanniques. Une mention indirecte à ce sujet a été identifiée dans la correspondance diplomatique française."

La presse tchécoslovaque quant à elle a informé de l’événement en se référant le plus souvent à de simples faits. [...] Seul le périodique agraire Venkov a publié cinq jours après le suicide un article qualifiant le geste de Lux comme un acte prématurément oublié... Plus tard, le nom de Lux ne sera évoqué que dans des périodiques juifs.

Le supplément de Lidové noviny illustre cet oubli en citant la journaliste américaine Betty Sargent qui a déclaré : "Le message de Lux a été hélas désinterprété par les uns, refusé par d’autres pour être finalement oublié de tous." »

L'historien Lubor Jilek, analyse le manque d'impact du suicide de Stefan Lux dans son article Les perceptions divergentes d’un suicide: Stefan Lux et le milieu de la SdN dans la revue en ligne L'Inédit. Il écrit notamment ceci : « Balayé en urgence, oublié pendant des décennies, le geste fatal de Stefan Lux (1888-1936) et sa portée symbolique relancent aujourd’hui l’intérêt de bien des observateurs rétrospectifs (l’entrée "Stefan Lux" sur Wikipédia reste fort inégale, selon les idiomes : à chacun de choisir. Les deux publications récentes – Michael Berkowitz à Londres en 2019 et Rüdiger Strempel à Hambourg en 2020 – tentent, chacun à sa façon, de combler des sources cruellement manquantes). Il est difficile de cerner avec certitude les mobiles de l’acte, bien que les doutes et les interrogations ne datent pas d’aujourd’hui. »

Un article publié par les Archives de l'ONU - Stefan Lux and the Archives of the League of Nations - montre bien que les informations au sujet de cet événement sont pauvres.

Dans les archives du Journal de Genève, nous trouvons uniquement un entrefilet publié le 8 juillet 1936 relatant les obsèques de Stefan Lux.

A Genève, il n'existe aucun monument commémorant le sacrifice de Stefan Lux. Mais, dans un communiqué de la Comunauté israélite de Genève (CIG), publié en novembre 2022 dans le cadre de la rénovation de la tombe de Stefan Lux, nous apprenons que « les ambassadrices des missions autrichienne et allemande ont contacté le congrès juif mondial pour proposer de mettre sur pied un projet mémoriel ambitieux. En partenariat avec la CIG et l’association du patrimoine juif genevois, le projet d’ériger un monument dans l’espace public genevois à la mémoire de Stefan Lux a vu le jour et a reçu un accord de principe des autorités. Le projet est donc en
cours et aboutira à une date qui dépend de nos autorités, sous une forme et dans un lieu qui restent à définir. »

Nous espérons que ces éléments vous aideront dans votre recherche. N'hésitez pas à nous recontacter pour tout complément d'information ou toute autre question.

Cordialement,

La Bibliothèque de Genève

Pour www.interroge.ch

  • Dernière mise à jour 18/04/2024
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