Au 19e siècle, pour faciliter la vie des voyageurs du chemin de fer, la Tour de l'Ile comprenait 3 horloges indiquant l'heure de Paris, l'heure de Genève et l'heure de Berne. Pour quelle raison cette dernière avançait-elle de 5 minutes et 6 secondes ?

Au 19e siècle, pour faciliter la vie des voyageurs du chemin de fer, la Tour de l'Ile comprenait 3 horloges indiquant l'heure de Paris, l'heure de Genève et l'heure de Berne. Pour quelle raison cette dernière avançait-elle de 5 minutes et 6 secondes ?

Réponse

Bonjour,

Nous vous remercions d'avoir fait appel au service Interroge, voici le résultat de nos recherches :

Concernant la Tour de l'Ile et son horloge, voici ce que l'on peut lire dans le Répertoire des immeubles et objets classés de Pierre Baertschi :

P. 43 : « Cette tour est le dernier vestige d'un château construit entre 1215 et 1219 par l'évêque Aymé de Grandson pour commander le passage du Rhône et assurer la défense de Genève. […] Son aspect d'origine a cependant été largement altéré au cours des siècles, plus spécialement en 1682 (modification du couronnement et installation de l'horloge), et en dernier lieu en 1898 (surélévation et restauration par Edmond Fatio), suite à un scrutin populaire favorable à la conservation du bâtiment. »

Et dans l'article de Louis Blondel La tour et le château de l'Ile paru dans la revue Genava en 1937 :

P. 95 : « Le quatrième étage n'était primitivement qu'une terrasse pourvue de créneaux, recouverte par une toiture à quatre pans. Cette toiture est reconnaissable sur toutes les vieilles gravures antérieures à 1670 et sur un plan à vue de la même époque. Il fut surélevé, comme nous l'avons dit, vers 1680, pour y placer un clocheton et une horloge qui existent encore. »

Nous avons trouvé une première explication concernant les trois cadrans dans le 2e tome de Les Monuments d'art et d'histoire du Canton de Genève intitulé Genève, Saint-Gervais : du bourg au quartier :

P. 180 : « En 1852 on projeta de moderniser l'horloge en la reliant à celle, électromagnétique, de l'Observatoire, puis de l'électrifier. Six ans plus tard, lorsque Genève fut reliée au réseau de chemin de fer, on la dota de deux cadrans supplémentaires indiquant l'un l'heure de Paris, l'autre l'heure de Berne, tandis que le cadran central donnait celle de Genève. »

Afin de bien comprendre ces notions, vous pouvez lire l'article paru dans l'Hebdo le 18 juin 1998 1848 Naissance de l'Etat moderne qui précise notamment que :

« Depuis 1853, l'heure de Berne devient valable partout, parallèlement à l'heure locale. Une différence de 5 minutes 6 secondes existe entre l'heure de Berne et celle de Genève. Elle est de 15 minutes 16 secondes entre l'heure de Genève et celle de Paris. L'heure de l'Europe centrale, valable pour toute la Suisse, ne sera introduite qu'en 1893. »

Par ailleurs, de nombreux détails sont disponibles dans l'article de Walter Zurbuchen Quelle heure est-il ?  paru dans la Revue du Vieux-Genève en 1976. L'usage de ces différentes heures s'inscrit dans l'histoire de l'évaluation de l'heure exacte, puis de sa fixation, que décrit très bien Walter Zurbuchen dans cet article :

P. 15 : « Le 16 mars 1858 fut inaugurée la ligne Genève-Lyon, exploitée par la compagnie française Paris-Lyon-Méditerranée, qui avait construit et équipé non seulement les voies, mais encore la gare de Cornavin et les autres stations de cette ligne. Le 16 juin suivant s'ouvrit la ligne Genève-Versoix (cette dernière localité était reliée à déjà depuis le 21 avril à Lausanne), ligne également construite, et de même exploitée, pendant quelques années, par la Compagnie P.-L.-M.

Dès lors, l'on devait, à Genève, observer trois heures différentes :

1. L'heure de Genève, temps moyen, pour tous les usages locaux. Un réseau d'horloges électriques ayant été créé, celles-ci reçurent dès lors leur heure de l'observatoire de Genève ; les autres horloges étaient réglées manuellement.

2. L'heure de Berne (communiquée chaque mercredi à 13 heures à l'administration fédérale par l'observatoire de Neuchâtel) pour les communications télégraphiques et postales, et pour les relations ferroviaires autres que celle du "P.-L.-M.", comme on disait. Elle avançait de cinq minutes et six secondes sur la précédente.

3. L'heure de Paris, qui faisait règle pour tout le réseau P.-L.-M., bien que la France n'eût pas encore adopté pour elle-même une heure unique. Elle retardait de quinze minutes et seize secondes sur celle de Genève. De Genève à La Plaine, cette heure commandait l'activité de toutes les stations de chemin de fer, mais en outre, selon une politique éprouvée de la Compagnie P.-L.-M., qui entendait se prémunir contre toutes les récriminations des voyageurs, les horloges extérieures étaient avancées de cinq minutes par rapport à l'heure de Paris !

Situation compliquée s'il en fut, et qui obligeait les habitants de Genève à jongler sans cesse avec les trois heures différentes, selon ce qu'ils se proposaient de faire. Aussi ne tarda-t-on pas à voir apparaître, en plusieurs points de la ville, des horloges à trois cadrans, proposant simultanément les trois heures différentes en question. Il y en avait une notamment, à la place du Bourg-de-Four, et une autre à la Tour de l'Ile, et ces horloges se maintinrent une vingtaine d'années.

Elles disparurent ensuite l'une après l'autre, avant même que l'on fût parvenu à une certaine unité. Ainsi, c'est en 1879 déjà que l'on décida de ne conserver, à l'horloge du Bourg-de-Four, que l'heure locale, en supprimant les cadrans qui indiquaient les deux autres heures. »

Pour mieux comprendre la problématique de la mesure et de la fixation du temps il est possible de consulter :

- Le temps public ou les avatars de l'heure à Genève par Simon Tenthorey, paru dans le n°5 des Cahiers de l'Université du 3e âge en 2002, pp. 29-40

- Un article de Lucien Baillaud Les chemins de fer et l’heure légale paru dans le n°25 de la Revue d'histoire des chemins de fer en 2006

Nous espérons que ces éléments vous aideront dans votre recherche. N'hésitez pas à nous recontacter pour tout complément d'information ou toute autre question.

Cordialement,

La Bibliothèque de Genève

Pour www.interroge.ch

  • Dernière mise à jour 20/06/2023
  • Vues 38
  • Répondu par

FAQ Actions

Est-ce que cela vous a aidé ? 0 0

Commentaires (0)